
Pas de coup de théâtre cette année à Cannes : Un simple accident, le nouveau film de Jafar Panahi, a remporté la Palme d’or comme une évidence tranquille, presque écrite à l’avance.
Quand un cinéaste bâillonné par son propre pays continue de filmer envers et contre tout, le geste est puissant, et le cinéma devient acte de résistance. La récompense, elle, semble saluer autant l’homme que l’œuvre.
Mais une Palme, surtout quand elle semble inévitable, crée une attente particulière : celle d’un film qui nous bouleverse, qui laisse une empreinte durable au creux du ventre… Entre mémoire piégée, vengeance en suspens et brouillard moral, Panahi signe un film plus trouble qu’il n’y paraît.
Le combat du réalisateur iranien Jafar Panahi s’étend bien au-delà des frontières du cinéma. En dépit des censures, des interdictions et des pressions politiques, Panahi poursuit avec ferveur la réalisation de films qui dépeignent la complexité de la société iranienne. Dans ses œuvres, il mêle subtilement la réalité sociale à des récits profondément humains, où l’intime se heurte souvent à l’impératif politique. Avec des films comme Cercle, Taxi Téhéran ou 3 Visages, il refuse la soumission à un régime autoritaire, continuant d’exprimer ses pensées à travers des récits qui explorent la liberté, l’isolement et l’oppression. Il capture des moments simples qui révèlent l’humanité cachée derrière la brume des restrictions, et à chaque fois, il pousse son art à la limite de ce qui est permis, bravant ainsi une réalité où la liberté d’expression est aujourd’hui une victoire en soi.

Dans Un simple accident, Vahid, ancien prisonnier politique, croit reconnaître dans un automobiliste l’un de ses anciens tortionnaires. Il le kidnappe, poussé par une intuition viscérale, puis part à la rencontre d’autres survivants pour confirmer son identité. Mais les souvenirs sont fragmentaires, les récits contradictoires. Vahid doute : s’il s’est trompé ? Et s’il a raison, que faire ? Doit-il se venger et reproduire la violence qu’il a subie ? Pris dans un épais brouillard moral, il vacille entre justice et vengeance, entre vérité et pulsion, incapable de trancher sans se perdre un peu lui-même.
Pour l’homme en plein doute moral on imaginera une brouillade safranée : il faut parfois casser des œufs (et risquer les coquilles), mais rien n’est jamais clair, même sous la chaleur d’une vérité teintée d’Iran.

Les œufs brouillés de Vahid
4 œufs frais
5cl de crème
Quelques pistils de safran
1 botte de ciboulette (pour la note verte symbole de l’espoir)
Une belle noix de beurre
Déposez quelques pistils de safran dans votre crème et laissez infuser 1h.
Cassez et battez vos oeufs dans un saladier. Assaisonnez. Ajoutez la crème et battez à nouveau. Dans une poele à feu vif, faites fondre le beurre avant d’ajouter la préparation. Brouillez constamment pour assurer une texture idéal (et un sérieux problème moral).
Versez dans un bol, ajoutez votre ciboulette ciselée, quelques pistils de safran et en avant !
Un simple accident est un film fort, porté par un cinéaste au combat admirable, et sa Palme d’or résonne comme un geste nécessaire. Si à titre personnel, d’autres œuvres, plus inattendues et audacieuses comme Sirat m’ont davantage bouleversée, ici, la récompense semble guidée autant par la portée politique que par l’émotion cinématographique.

🔍 À (re)découvrir : Extrait du film Un simple accident (1m50)