LA FEMME LA PLUS RICHE DU MONDE — LE GÂTEAU DE LA REINE DE PIERRE-ALAIN FANTIN

On décrypte les faits divers avec passion, surtout lorsqu’ils dévoilent les failles des puissants. Et difficile d’oublier l’un des feuilletons judiciaires les plus scrutés des années 2010 : le procès Bettencourt, en 2015, qui mettait en lumière la solitude d’une héritière parmi les plus riches du monde, les influences qui l’entouraient, et une famille fracturée par la crainte de voir l’argent devenir une arme. Ce tourbillon médiatique, qui mêlait mondanités, art, politique et blessures intimes, a marqué durablement l’imaginaire collectif.
C’est dans ce sillage que s’inscrit La Femme la plus riche du monde : un film qui ne cherche pas à rejouer l’histoire, mais à en capter l’essence – l’ivresse de la fortune, le vertige de la confiance, et le chaos qui surgit quand l’affect s’invite au cœur de l’empire.

Avec La Femme la plus riche du mondeThierry Klifa opte pour une mise en scène volontairement épurée, mais ponctuée d’un dispositif intéressant : des séquences façon faux documentaire, où les personnages apparaissent face caméra, sur fond noir, comme s’ils étaient interrogés pour un décryptage de faits divers. Ces interventions créent une distance malicieuse, invitant le spectateur à questionner ce qui relève du récit intime ou de la reconstruction a posteriori. Elles accentuent aussi l’ambivalence des protagonistes, chacun révélant un peu de lui-même tout en contrôlant ce qu’il laisse paraître.

Plutôt que de s’appuyer uniquement sur l’opposition entre les deux protagonistes, le réalisateur filme la rencontre de deux solitudes : celle, glacée et verticale, de Marianne, et celle, mouvante et affamée, de Pierre-Alain. Isabelle Huppert laisse affleurer une vulnérabilité tout en retenue, comme si chaque sourire menaçait de fissurer son armure. En face, Laurent Lafitte ne joue pas seulement un trouble-fête flamboyant, mais un homme qui cherche une place, un regard, une existence plus grande que la sienne. Leur relation, tantôt complice, tantôt explosive, devient la force motrice du récit.

La Femme la plus riche du monde raconte l’histoire de Marianne Farrère, une milliardaire solitaire dont l’existence millimétrée bascule lorsqu’elle croise la route de Pierre-Alain Fantin, un artiste aussi séduisant que turbulent. Le film suit l’impact de cette rencontre sur la femme la plus en vue du pays : l’irruption d’un homme libre, fantasque, joueur, qui introduit dans sa vie un mélange détonnant de spontanéité, de chaos et d’éclat.

Pierre-Alain n’est ni un simple charmeur ni un opportuniste sans relief : c’est un personnage mouvant, parfois lumineux, parfois opaque, qui avance avec une audace ravageuse et un goût certain pour le désordre créatif. Sa présence bouscule Marianne, bouleverse son entourage et met en branle un système parfaitement huilé, révélant au passage les tensions, les manques et les fissures qui se cachaient sous la surface.
Pour cette homme prêt à dévorer l’empire, on imaginera un “queen’s cake” décadent, car il est évident que l’homme fantasque exige d’avoir sa part du gâteau de… La Femme la plus riche du monde !

Thierry Klifa signe une comédie mordante qui détourne les codes du drame pour mieux révéler les absurdités d’un milieu obsédé par l’argent, la jeunesse et le pouvoir. Le ton reste vif et joueur, sans masquer la critique : derrière les rires, le film pointe la dérive des fortunes colossales, l’isolement qu’elles créent et l’abus qui rôde partout où l’influence devient une monnaie d’échange. Une œuvre à la fois malicieuse et lucide, qui parle de richesse mais surtout de fragilités humaines.

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